dimanche 26 septembre 2010

Homme après repas

Cet homme me fait étonnement penser à ceux d'une autre génération.
La génération d'aujourd'hui court après le temps: en manque tout le temps de ce temps, tant et si bien qu'elle tend à tenter l'impossible pour gagner un peu de temps...
Mais il y a une génération d'épicurien, pour qui prendre le temps est impor-tant de prendre un temps après le repas, pour digérer, lire le journal, fumer une pipe ou un cigare et piquer un roupillon.
Lui, il a eu l'amabilité de faire la vaisselle en causant tranquillement. M'expliquant notamment pourquoi il aurait besoin d'être parti à 14h30.
Puis il a pris confortablement place sur le canapé, a attrapé le journal d'hier qui traînait là. Il a lu quelques minutes et ses yeux ont commencé à se fermer. Alors il a laissé tomber sa main tenant le journal, il a rapproché l'autre de sa joue, comme pour caler sa tête, et il a commencé à respirer plus lentement.
Il s'est réveillé pour regarder l'heure. Il m'a souri et a reposé sa tête, en fermant les yeux, malgré le temps qui avait filé.
S'il y a bien un homme aujourd'hui qui ne court pas après le temps, c'est lui. J'aurais même tendance à penser qu'il croit que c'est le temps qui lui court après.


jeudi 9 septembre 2010

Le Manque

L'ambiance dans la salle était digne d'une cafétéria : des groupes qui se connaissent, ça papote, ça se retrouve après un été sans se voir. Tu rentres là dedans en te demandant si tu es dans la bonne salle...
Le prof arrive, il semble connaitre tout le monde et fait l'appel sans même regarder ceux qu'il nomme, sauf pour les rares noms nouveaux. Tu te sens étrangement anonyme.
Tu ouvres ton bloc-note, tu sors ta trousse. Tu souris. Tu vas prendre le seul stylo qui est vraiment à elle, même si tu n'aimes pas écrire avec, juste parce que c'est Elle!
Tu lis sur le haut de ton bloc-note un reste de l'an dernier : "Congrès international des problèmes de craie chez les enseignants". En relevant la tête, tu t'aperçois que ce Congrès n'aura jamais lieu ici : le prof a facilement 50 ans mais a sorti un beau Macbook et un projecteur. Il n'y aura pas de craie. De toutes façons, ce ne sont que des tableaux blancs dans la salle.
Tu sens une vague de nostalgie t'envahir. Où sont passés les tableaux noirs d'antan?
Enfin, la présentation du cours te laisse le sentiment d'avoir été parachutée dans un océan chaud et agité (parce que ce groupe est loin d'être calme, même s'il n'est pas désagréable), et que tu dois essayer de simplement garder la tête hors de l'eau jusqu'à la fin du cours, sinon tu n'auras pas envie de revenir!
Tout se déroule bien, même si tu n'es pas sûre de tout comprendre. Ceci jusqu'à ce que l'enseignant annonce que les deux travaux pratiques qui compteront pour 65% de la note doivent se faire en équipe.
C'est là que tu sens une vague de répulsion t'envahir. Une angoisse atroce. Pas un travail en équipe! Par pitié! Tu n'oses même pas tourner la tête vers la voisine avec qui tu as discuté au début, tu ne veux pas qu'elle se jette sur toi. Tu reste bloquée sur cette pensée : comment faire un travail d'équipe avec quelqu'un d'autre qu'Elle?
À la pause, ta voisine te glisse insidieusement "pour le travail à deux, on se met ensemble, hein?". Et toi, puisque tu n'as pas encore lié conversation avec qui que ce soit d'autre... Tu dis "pourquoi pas". Tu le regrettes presque aussitôt, mais tu ne savais pas comment dire non.
Au retour de la pause, tu ne tiens plus. Elle te manque, tu savais que tu aurais du mal à apprécier autant les cours sans Elle. Maintenant tu as la certitude que ça va être vraiment pénible.


"Qu'est-ce qui te manque le plus? La pluie ou le ciel gris?"
Réponse : vu le temps des 5 derniers jours, aucun des deux! Mais peut-être le gris de la craie sur le dos de certains enseignants, et ton thé chaï avec une goutte de lait qui embaumait la classe de Lexico.