vendredi 23 septembre 2011

Maquillage

J'aime pas les femmes qui se maquillent dans les transports.
Plutôt, ce n'est pas les personnes qui le font, c'est l'acte lui-même et l'image qu'il donne de ces femmes.
Alors, disons que je n'aime pas le fait de se maquiller dans les transports. Mais syntaxiquement, ça peut vouloir dire que je le fais, alors que je ne le fais pas puisque je n'aime pas cette image.
Je ne le fais pas, parce que ces femmes, durant ces instants, que je considère intimes, qu'elles étalent au public qui n'a rien demandé, elles dégagent un quelque chose de très négatif pour moi.
Un quelque chose de "je suis une femme si moderne, si occupée, si courante-partout que je n'ai même pas eu le temps de faire ça devant mon miroir, chez moi, tranquille sans les oops-le-nid-de-poule ou le attention-feu-rouge."
Un quelque chose de "j'ai tellement besoin de me sentir belle, j'ai tellement peur que mon grain de peau-pas-exactement-photoshopé-comme-dans-un-magasine, que je ressens le besoin irrépressible de me repoudrer le nez, les joues, le front et le menton 23 fois et demie par jour." (le "et demi", c'est quand elle a été interrompue par son cellulaire en ayant fait que les joues et le front).
Un quelque chose de "j'aime tellement que les gens me regardent que j'ai développé au cours de ma vie différentes techniques pour attirer l'attention des gens, et c'est celle-là qui fonctionne le mieux: se recoiffer dans le reflet de la vitre, c'est trop éphémère."
Un quelque chose de "regarde bien, ma p'tite, tout ce que j'ai sorti de mon sac pour me refaire une pas-beauté, là, tu vois toutes ces marques célèbres qui défilent, tu vois que c'est ton épicerie du mois pour ta famille de cinq enfants qui vient de passer sous tes yeux"

Moi, je ris quand le highliner dérape.
Toujours.

mercredi 21 septembre 2011

Vengeance sociale

Mme X entre dans le bus et s’assoit vers le fond, à son habitude. Elle jette un œil aux trois jeunes filles, anticipant déjà de se sentir dérangée par leur rire, leurs moqueries. Mme X a ses écouteurs, elle monte un peu le son et se concentre sur son texte à lire pour le soir. Ça devrait aller. Deux dames montent à l’arrêt suivant, Mme A s’assoit tout au fond, Mme Z plus en avant. Mme X l’a vu parce qu’elle a levé les yeux de son texte pour réfléchir 3 secondes. Un groupe de garçons montent à l’arrêt d’après. Mme X l’a vu parce que leur remue-ménage est perceptible par tous les pores de sa peau, plus simplement par l’ouïe. Je ne peux pas les appeler des jeunes hommes : contrairement aux jeunes femmes qui gloussent, mais qui respectent les gens qui les entourent, ces garçons commencent, dès qu’ils sont assis, de manière répartie dans le fond du bus, une partie de « je te lance la boule de papier le plus fort possible ». Mme A détourne les yeux, regarde dehors, fait mine de ne pas être dérangée. Mme Z ne dit rien, mais plisse des lèvres. Cependant, quand la boule de papier lui arrive dessus, elle la prend et ne la rend pas. Petite leçon de morale que Mme X ne peut pas entendre, elle a toujours ses écouteurs, elle essaie de se concentrer sur son texte. En vain. Les garçons se moquent outrageusement de cette petite leçon. Le monde leur appartient, à quoi sert la morale, ils sont jeunes, ils sont forts, ils ne craignent rien. Mme X sent sont cœur s’accélérer, son âme se révolter de la puérilité de leur attitude. Mme X aimerait être de ces grands sages qui en imposent par leur présence, ont toujours le bon mot à dire et savent assagir les plus débiles.  Mme Z essaie encore de leur faire comprendre l’irrespect de la situation. Cette fois les garçons ne se cachent plus pour rire d’elle. L’un d’eux a fini sa boisson et tend le verre en plastique à la dame : « vous voulez le tenir aussi? Vous faites bien la poubelle! » (Mme X a entendu, parce que sous le coup de la colère, elle a enlevé ses écouteurs pour suivre la conversation, elle rumine encore, ne sachant pas quoi dire) Mme A accorde un regard à la scène, détourne les yeux. Mme Z a le regard blasé, lassé, elle leur fait remarquer qu’ils sont vraiment bas dans son estime. Le garçon dépose son verre par terre. Mme X explose : « souvenez-vous bien de ce moment, rappelez-vous de chaque instant, et maudit que j’aimerais être là dans 10 ans quand vous vous rendrez compte de votre stupidité ». Les garçons rient. Pour l’instant, ils se trouvent bien drôles, alors ça les fera rire plus tard. Pensent-ils. Le bus arrive au terminus. Le groupe sort en laissant le verre par terre, Mme X interpelle le dernier : « ramasse-le, s’il te plait ». Regard vague, haussement d’épaule, il continue son chemin. Mme X est prise d’une sorte de rage vengeresse. Elle ramasse le gobelet, ne sachant sur le coup pas trop qu’en faire. Elle marche vite, et repère celui qui l’a ignorée. Non, il n’est pas responsable du gobelet à terre, seulement d’être imbécile, et non incivique. Petit regard mi-inquiet, mi-amusé de l’intéressé. Il ne comprend pas pourquoi les gens ramassent les détritus des autres quand des gens sont payés à le faire. Mme X rattrape le véritable incivique, celui qui rit des gens sans honte, qui se laisse trainer. Le geste se fait tout seul, mais Mme X ne fait rien pour le retenir. Le verre se retrouve retourné et écrasé sur la tête chevelue de l’impertinent. « Le respect que tu montres aux autres, c’est le respect que tu mérites. Et c’est ça que tu montres aux autres ». Mme X n’a même pas noté le visage de l’agressé, ni d’aucun de ses amis, elle sait qu’il a ri, qu’il a touché ses cheveux. Elle a continué son chemin, elle se souvient d’avoir entendu le bruit de quelqu’un qui crache. Sur elle? Elle ne le sait pas. Elle se souvient du rire des autres du groupe, de ses jambes et de ses mains tremblantes en descendant l’escalator, de son cœur battant à un rythme fou. Elle se souvient s’être dit « s’il m’a craché dessus, il n’a même pas osé me le faire en face, il a attendu que j’aie le dos tourné. Lâche. »