mercredi 27 janvier 2010

Comme un pigeon après un bout de pain

J'ai longuement observé un pigeon qui cherchait à mettre en miettes un bout de pain dur ou de biscuit pour pouvoir le bouffer... Et j'ai eu cette pensée qu'on ressemble un peu à ça quand on s'acharne sur les petites choses inutiles de la vie... On s'attelle à la réalisation de notre idée, on se donne à fond, au risque de paraître ridicule parce que ça n'a aucun sens, ou qu'il est évident qu'on va droit au mur, qu'on va se faire mal, ou, simplement, qu'on se fatigue pour rien... Mais on continue, on se secoue dans tous les sens, on s'acharne... et alors, soit on abandonne, l'air penaud, parce que le bout de pain est vraiment trop dur, soit on triomphe, mais on se sent un peu nul en voyant que le reste de la troupe a fait bombance de tout le reste du sac de pain qui a été jeté pendant qu'on s'acharnait sur notre ridicule bout de pain...

samedi 23 janvier 2010

Se lever quand il fait encore nuit

Je n'aime pas me lever... en tous cas je n'aime pas me lever tôt!
Mais il faut avouer, quand même, que se lever alors que le soleil lui-même n'est pas debout, cela a un certain charme (c'est aussi une véritable torture, déprimant par bien des aspects, mais ça a un certain charme!).
D'abord, on se croit vraiment dans la chanson... les gens sortent de chez eux, et dans un défilé un peu sombre mais pas vraiment triste, se dirigent vers leur voiture, ou vers le métro, le train... Il est cinq heures, Paris s'éveille... Ouai, mais enfin, Paris a changé, et même si je n'habite pas Paris même, je vois bien la différence: si stripteaseurs il y a, d'accord, elles sont rhabillées, les amoureux sont aussi sûrement fatigués, seulement les cafés sont déjà bus pour ceux qui sont dehors, ils sont dans les tasses seulement pour ceux qui sont encore chez eux (chanceux), ou bien en Amérique, dans les tasses thermos qui me manquent par ces temps froids! Est-ce que vous êtes déjà passés par Montparnasse tôt le matin? À 5h, certes, il n'y a personne, mais dès 6h c'est la fourmilière, ça ne ressemble pas à une carcasse! Les boulangeries sentent le bon le pain et les croissants alors quand font-ils leurs bâtards? La tour Eiffel a peut-être froid aux pieds, mais c'est parce que le manteau qui la recouvre le soir est composé de vendeurs de mini tours Eiffel, et ils sont rentrés avec les derniers touristes.
Au défilé du matin, j'ajouterai que les camions de La Poste déchargent leurs paquets de lettres et en enfournent d'autres, me rappelant chaque fois que je n'ai toujours pas envoyé la lettre que je veux poster, écris à un tel ou à tel autre. Les manteaux noirs défilent, s'alignent sur les quais de métro...
Les visages sont encore endormis pour beaucoup, mais on sent que c'est naturel pour d'autres, ou qu'ils sont levés depuis bien plus de temps que nous. Comme le chantait Bénabar, "couches-tard et lèves-tôt se rencontrent le matin dans le premier métro", et la différence se fait difficilement entre ceux qui n'arrivent pas à se reveiller et ceux qui sont morts de fatigue.
En hiver, c'est dur de se dire qu'il fera nuit à nouveau, déjà, quand on sortira du boulot, de l'école. En été, on profite du lever de soleil, en Hiver on arrive au travail avant même que la boule dorée se soient montrée. La lumière artificielle fini par nous fatiguer, le moindre rayon de soleil nous fait rêver derrière la vitre du bureau ou de la salle de classe. On attend l'été avec impatience. Pourtant, la chaleur lourde de nos manteaux d'hiver tient un peu de la douce chaleur que l'on a quittée en quittant le lit ce matin. On a trop chaud dans le train, dans la voiture, emmitouflés que nous sommes dans les doudounes... mais on est bien, on n'ouvrira pas le manteau, on n'enlèvera pas l'écharpe. On se dit qu'on accumule de la chaleur pour quand on ressortira.

Je veux dormir...
L'hiver, la terre dort, et les hommes devraient en faire autant. Au moins jusqu'à 9h du matin obligatoirement... non?

jeudi 21 janvier 2010

Lire dans le métro

J'aime cette bulle que l'on crée lorsqu'on ouvre un livre dans les transports en commun...
Un livre d'amour et vous boirez les pages avec passion, et tout couple que vous apercevez vous fait sourire ou vous rend dingue de jalousie (si si, mais vous ne vous vous l'avouez pas (trop de vous!)). Si c'est un bon polar, ou un livre à suspense, vous avalerez les pages avidement, vous voudrez absolument savoir ce qu'il va se passer, la suite, la suite! Vous trouverez tout à coup que les 40 minutes de trajet habituelles sont étonnement courtes, ça n'est pas possible, le métro allait plus vite aujourd'hui! Lisez un livre philosophique (qui vous plait, ne vous forcez pas!) et vous n'arriverez pas à lire vraiment. La lecture de 5 ou 10 lignes vous imposera une pause "réflexion", parce qu'il faut être sûr de comprendre, il faut pouvoir mettre en application à ce qui nous entoure, il faut pouvoir critiquer et créer notre propre théorie si l'on n'est pas d'accord.
Quand on est absorbé par ce qu'on lit, les gens, le monde autour, n'a pas la même substance. Vous n'entendrez pas vraiment le gars qui demande des sous ou un ticket restaurant, vous ne verrez que du coin de l'esprit la bande de jeunes en train de débattre sur les plus belles chaussures du groupe, vous ne vous apercevrez pas vraiment que la vieille en face de vous s'est levée et a été remplacée par un homme (ou une femme!) que vous auriez trouvé(e) tout à fait à votre goût autrement! Vous ne suivrez plus non plus le défilement des stations et il vous sera arrivé quelque fois de rater votre arrêt. Si vous arrivez à lever la tête assez régulièrement pour suivre l'avancement de votre trajet, c'est celui de votre livre qui vous tracassera: vous vous demanderez si vous arrivez à finir le chapitre ou le paragraphe avant de devoir descendre. Si vous avez encore du temps, vous envisagerez la possibilité de commencer le prochain chapitre, sachant, avec angoisse, que vous n'aurez pas le temps, non, alors on "pressera" la lecture, on engloutira avec encore plus d'avidité les mots, les phrases, les lignes... Mais l'arrêt maudit finira bien par arriver, et toujours trop tôt. Comment on n'arrivera pas à finir avant d'avoir à descendre, on lira en marchant vers la sortie (on se fera bousculer, et les gens râleront... mais cette fois on ne s'en apercevra pas).
Le monde se trouve là, entre la première de couverture, qui le présente, et la quatrième de couverture, qui le résume. Le monde se limite à cela, et ça simplifie tellement tout!
Quand on n'a rien à lire, ou qu'on n'a pas vraiment envie de lire (si, ça arrive, avouez! Moi, j'avoue), on s'amuse alors à regarder ce que les autres lisent. On devient étonnement content lorsqu'on a déjà lu celui-là qu'une personne lit. Quand c'est possible, on ira même lire par dessus l'épaule de cette sympathique personne (si elle lit la même chose que nous, elle est forcément sympathique) pour savoir où elle en est rendue, et on se racontera la suite de l'histoire, fier d'avoir ce pouvoir de narrateur omniscient, qui sait tout ce qu'il va se passer.
D'autre fois, on reconnaîtra un titre qu'on n'a pas encore lu. Piqué de curiosité, on lira par dessus l'épaule de notre voisin pour en attraper des bribes et décider si on le range définitivement dans la catégorie "à lire" ou si on l'oublie.
Lire dans les transports, c'est aussi faire preuve d'un égocentrisme crasse en matière d'humanité et de citoyenneté. Non, je ne lirai pas le journal, je ne saurai pas ce qu'il est advenu de terrible à tel endroit de la planète. Non, je ne veux pas connaître mon soit disant horoscope ou la météo de demain. Oui, je survivrai sans connaître le programme de télé de ce soir. Oui, même les pièces qui se jouent au théâtre, je veux bien les méconnaître.
Mon monde se trouve entre 4 pages cartonnées, et le reste n'importe pas tant que je serai dans ce monde.

mercredi 20 janvier 2010

Manteau rouge

J'aime, lorsque j'en ai l'occasion, m'asseoir dans un endroit passant, musique dans les oreilles, regarder les gens... qui passent.
Je compte les manteaux rouges (j'adore les manteaux rouges), je regarde aussi les beaux garçons, et les femmes si bien habillées de Paris. Un manteau rouge. Les gens se pressent pour sortir du métro, comme si l'air qu'on y respirait (deuxième manteau rouge) incitait à presser le pas. Ils n'ont peut-être pas tord... claustrophobie collective?
Il y a de belles jeunes femmes, étudiantes, ou fraîchement diplômées... elles sont si bien habillées. Il faut se faire belles, paraître à l'aise dans la société: moi, je ne suis pas dépendante de la société, c'est elle qui a besoin de moi (2 manteaux rouges d'un coup).
Je vous avoue que ce n'est pas facile d'écrire en regardant les gens passer... je m'arrête pour admirer la grimace de celui-ci, la bouche tordue à force d'être tendue de celle-là... Et quand un bel homme passe (oui, si vous me connaissez, vous connaissez une précision de plus sur ce bel homme), s'il ralentit, l'air intrigué de savoir ce que je fais, je suis bien obligée de m'arrêter pour lui sourire, bien sûr! Ho! un manteau bleu!
Cette masse infinie de manteaux noirs... cortège quasi ininterrompu de costumes sombres... et encore un manteau rouge. J'ai tellement fait une obsession pour les manteaux rouges ces dernières années que j'en ai maintenant, depuis peu, moi-même un. Il n'est pas assez chaud, et de qualité médiocre, qui fait que les coutures ne résistent à rien... mais je porte fièrement mon faux duffle coat rouge! Dans cette masse obscure des presseurs de pas du métro, je me sens pleine de couleurs!
J'aime, dans le métro, voir les gens qui prennent leur temps. On se fait bousculer (manteau rouge) des deux côtés en même temps, les gens râlent (vous avez déjà vu un vieillard littéralement plié en deux? Le poids des ans à l'air d'être si lourd...). Mais surtout: ne pas s'excuser, sourire, et sourire encore. Qu'on ait un manteau noir ou non. Sourire, parce que c'est nous qui détenons la raison, la sagesse: "rien ne sert de courir, il faut partir à point"... ou décider qu'être en retard, ça n'est pas si grave! Je pars souvent (pas toujours) en avance, et je m'assois sur un banc du métro (ho! deux valises rouges tirées par un manteau noir!) pour regarder passer les gens... et leurs manteaux.
Je n'aime pas beaucoup Paris, mais j'aime voir les gens se mélanger, et Paris est privilégiée pour cela.
Depuis que j'ai commencé à écrire, se sont assis à côté de moi: à ma droit, une jeune femme blanche qui rangeait l'intérieur de sa sacoche, puis un homme que je dirais français, bien chargé, puis une vieille femme qui a attendu le métro en préférant s'asseoir, et enfin un jeune homme qui a refait son lacet; à gauche, une dame noire avec sa petite fille sur ses genoux, puis une jeune femme qui a lu un moment, voulant de toute évidence finir son chapitre avant de sortir de ce cocon que représente un bon roman (un autre manteau) (encore un autre). Les noirs, les blancs, les basanés, les asiat'... et puis les mulâtres, les métissés, ceux qui sont mélangés naturellement, qui se mélangent à ceux qui sont obligés de se mélanger aux autres pour emprunter ces verts (et blancs) de terre éléctriques. Foule mélangeante et mélangée de Paris. Un sac rose, suivi de près par un manteau rouge, mais à poids blancs.
Finalement, on en voit pas mal des manteaux rouges. Mais on voit peu de bleus, de verts, d'oranges... Oui, c'est ça, je veux un manteau orange.
Je veux un manteau orange et prendre mon temps pour sortir du métro, sans qu'on me bouscule.
Un autre manteau rouge, le mien, se dirige vers la sortie.

lundi 18 janvier 2010

Voyages odorants

J'aime cette odeur de mousse mouillée par la pluie. Odeur de forêt, des balades le week-end en vélo. Forêt d'Halatte, par exemple, ou d'Ermenonville. J'ai retrouvé cette odeur sur les quais de banlieue du RER C. Un peu entouré de verdure, et les escaliers pour y accéder sont surtout perpétuellement à l'ombre. Humides. Un instant le mauvais état de l'équipement de cette ligne trouve son charme, procure un plaisir nouveau. Retour vers le passé, nostalgie de l'enfance. Je me souviens des après-midi à vélo avec la famille ou les amis. Surtout avec les amis. On partait seuls, on se salissait, on revenait pour le goûter. Dès la fin du repas le dimanche, on appelait toute la liste d'amis, affichée au dessus du téléphone (affichée pour les parents, car on en connait presque tous les numéros par cœur), on appelait jusqu'à trouver celui qui est libre et qui peut se lancer à l'aventure avec soi. On enfourchait alors nos vélos, on se retrouvait en chemin, ou bien on allait le chercher chez lui, prenant un deuxième dessert au passage, puis on filait en forêt. Ou peut-être que la flemme de pédaler nous prenant, on resterait simplement à jouer dans le jardin. C'est aussi bien. Mais ça embête plus les parents!
L'automne, le printemps, la forêt sent la mousse, les champignons, la pluie et les feuilles mortes. En ville, le froid de l'hiver, l'humidité quasi permanente à certains endroits, provoquent parfois de ces bouffées d'odeurs nostalgisantes qui nous font nous arrêter. On cherche à quoi ça nous fait penser? Où ai-je déjà senti ça? Parce qu'on sait que cette odeur est éphémère, et terriblement ténue, qu'elle disparaîtra aussi vite qu'on l'a sentie, fugace.
Une autre fois, ce sera en passant devant une cuisine au premier étage d'un immeuble, fenêtre entre-ouverte sur la rue (intimité oblige). Une odeur nous parvient, un fumet qui nous plonge dans les abîmes gourmands de notre estomac. Après la question rapidement résolue de savoir ce qui cuit de l'autre côté du mur, on a subitement envie de manger la même chose, de cuisiner, d'être assis autour d'une table avec la famille et, ou, les amis et de déguster un mets simple mais ô combien délicieux.
La ville devrait toujours nous rappeler notre petit bout de campagne, d'enfance, de vacances, qui nous manque perpétuellement.
Même les bouches d'aération qui puent l'œuf pourri, ne rappellent-elles pas l'usine de sucre de betterave qu'on croise en certaines campagnes?
Le bitume mouillé par la pluie après une petite averse en plein canicule me rappelle l'odeur du béton mouillé quand on lavait la voiture en été, par beau temps.
Les parfums que l'on croise dans le métro, ne vous ont-ils jamais fait vous demander "tiens, qui donc porte le même?", parfois une personne complètement enfouie dans notre mémoire nous revient à l'esprit, parce qu'on croit reconnaître son parfum dans les effluves odorantes de madame ou monsieur le matin.
Les odeurs font voyager dans le temps, ravivent la mémoire (d'ailleurs, j'avais adoré ce bouquin, Le Parfum, rien que pour ce qui y est dit au début sur les parfums qui se gravent dans notre mémoire).
Ce que j'aime le plus, je crois, c'est justement quand je n'arrive pas à associer une odeur persistante que je reconnais à un souvenir précis. Torture, obsession des odeurs et de ce qu'elles me rappellent.
Jouissante obsession. Jouissance de l'énigme qui reste obscure. Mais une fois cette énigme résolue, c'est la volupté de se souvenir qui reste.

dimanche 17 janvier 2010

Écouter le passé

J'aime écouter les gens raconter leur vie, leurs souvenirs, à la fin des repas. Le gros des invités est parti, on se raconte des anecdotes.
Oui, la plupart on les connait, mais on ne raconte pas pour informer, on raconte pour se rappeler, pour ne pas oublier, et surtout pour rire. On vient de fêter un anniversaire, on veut s'emmitoufler dans la nostalgie des années passées, inoubliables, mais irrécupérables. On a bu un peu trop de vin, on parle trop fort, on sait qu'on dérange les voisins. Mais que diable! c'est notre anniversaire, on peut bien les déranger une fois dans l'année!
Quand on était petit, ces conversations qu'avaient les adultes, on les trouvait interminables, assommantes, et l'ennui, la fatigue, nous prenait irrésistiblement... En grandissant, on s'est dit que, quand même, on aimerait bien avoir autant de choses drôles à raconter entre amis plus tard, et on s'est mis à écouter, à rire avec. On est devenu le public rêvé des plus vieux qui racontent: ceux à qui on n'a pas encore raconté! On est devenu bon public. On s'attarde plus longtemps en fin de soirée, on écoute en souriant. On commence même à connaître suffisamment bien les anecdotes pour les connaître et anticiper les rires. On rit parce qu'on connait.
On se dit que, tout de même, tout ne peut pas être parfaitement vrai, il enjolive certainement. Pourtant, personne n'a l'air de remarquer ce manque de véracité, personne ne lui dit qu'il exagère, et personne ne lui rappelle comment ça s'est passé pour de vrai. Alors, on hausse les épaules, on sourit un peu plus, et on y croit.
On s'imagine, surtout, à leur âge, en espérant avoir d'aussi bons amis. On fait mentalement le tour de ses propres amis, de ses propres souvenirs, et on se demande si on aura quelque chose à raconter de notre vie actuelle dans toutes ces années qui fasse autant rire les vieux et les moins vieux copains, qui nous fasse nous bidonner avec autant de mélancolie des jours passés.

On espère, surtout,que le passé nous fera rire, parce que le futur nous angoisse un peu.