lundi 18 janvier 2010

Voyages odorants

J'aime cette odeur de mousse mouillée par la pluie. Odeur de forêt, des balades le week-end en vélo. Forêt d'Halatte, par exemple, ou d'Ermenonville. J'ai retrouvé cette odeur sur les quais de banlieue du RER C. Un peu entouré de verdure, et les escaliers pour y accéder sont surtout perpétuellement à l'ombre. Humides. Un instant le mauvais état de l'équipement de cette ligne trouve son charme, procure un plaisir nouveau. Retour vers le passé, nostalgie de l'enfance. Je me souviens des après-midi à vélo avec la famille ou les amis. Surtout avec les amis. On partait seuls, on se salissait, on revenait pour le goûter. Dès la fin du repas le dimanche, on appelait toute la liste d'amis, affichée au dessus du téléphone (affichée pour les parents, car on en connait presque tous les numéros par cœur), on appelait jusqu'à trouver celui qui est libre et qui peut se lancer à l'aventure avec soi. On enfourchait alors nos vélos, on se retrouvait en chemin, ou bien on allait le chercher chez lui, prenant un deuxième dessert au passage, puis on filait en forêt. Ou peut-être que la flemme de pédaler nous prenant, on resterait simplement à jouer dans le jardin. C'est aussi bien. Mais ça embête plus les parents!
L'automne, le printemps, la forêt sent la mousse, les champignons, la pluie et les feuilles mortes. En ville, le froid de l'hiver, l'humidité quasi permanente à certains endroits, provoquent parfois de ces bouffées d'odeurs nostalgisantes qui nous font nous arrêter. On cherche à quoi ça nous fait penser? Où ai-je déjà senti ça? Parce qu'on sait que cette odeur est éphémère, et terriblement ténue, qu'elle disparaîtra aussi vite qu'on l'a sentie, fugace.
Une autre fois, ce sera en passant devant une cuisine au premier étage d'un immeuble, fenêtre entre-ouverte sur la rue (intimité oblige). Une odeur nous parvient, un fumet qui nous plonge dans les abîmes gourmands de notre estomac. Après la question rapidement résolue de savoir ce qui cuit de l'autre côté du mur, on a subitement envie de manger la même chose, de cuisiner, d'être assis autour d'une table avec la famille et, ou, les amis et de déguster un mets simple mais ô combien délicieux.
La ville devrait toujours nous rappeler notre petit bout de campagne, d'enfance, de vacances, qui nous manque perpétuellement.
Même les bouches d'aération qui puent l'œuf pourri, ne rappellent-elles pas l'usine de sucre de betterave qu'on croise en certaines campagnes?
Le bitume mouillé par la pluie après une petite averse en plein canicule me rappelle l'odeur du béton mouillé quand on lavait la voiture en été, par beau temps.
Les parfums que l'on croise dans le métro, ne vous ont-ils jamais fait vous demander "tiens, qui donc porte le même?", parfois une personne complètement enfouie dans notre mémoire nous revient à l'esprit, parce qu'on croit reconnaître son parfum dans les effluves odorantes de madame ou monsieur le matin.
Les odeurs font voyager dans le temps, ravivent la mémoire (d'ailleurs, j'avais adoré ce bouquin, Le Parfum, rien que pour ce qui y est dit au début sur les parfums qui se gravent dans notre mémoire).
Ce que j'aime le plus, je crois, c'est justement quand je n'arrive pas à associer une odeur persistante que je reconnais à un souvenir précis. Torture, obsession des odeurs et de ce qu'elles me rappellent.
Jouissante obsession. Jouissance de l'énigme qui reste obscure. Mais une fois cette énigme résolue, c'est la volupté de se souvenir qui reste.

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